Réflexions sur la situation Russie-Ukraine

PAS SI CALME SUR LE FRONT DE L’EST [1]

Commençons cette note en mentionnant que nos pensées vont à tous les Ukrainiens dont la diaspora canadienne est la plus importante au monde après celle de la Russie[2]. Nous prions pour une désescalade rapide de la situation.

L’un de mes groupes de musique préférés en ce moment est un quatuor folklorique ukrainien nommé Dakha Brakha. Beaucoup de chansons de Dakha Brakha ont pour thème la réminiscence de ce qu’était la vie dans l’Ukraine pré-communiste.

La raison pour laquelle je mentionne cela alors que certains médias occidentaux décrivent la situation qui se déroule dans la province orientale de Donetsk et Luhantsk comme quelque chose de totalement inattendu, il convient de noter que rien de cela n’est nouveau pour les Ukrainiens qui ont été indirectement contrôlés ou carrément réprimés par Moscou depuis des siècles. En fait, les régions qui subissent aujourd’hui des frappes militaires russes sont vivent sous le coup d’un état d’urgence décaré depuis 2014.

Certes, je ne pensais pas que Moscou allait donner suite à ses menaces ouvertes, mais bien que cela se soit intensifié plus que je ne le pensais, je crois toujours que Moscou est prêt à ordonner un cessez-le-feu général et un retrait de ses troupes dès que l’OTAN aura accepté ses demandes.

Moscou prétend que l’opération militaire était nécessaire pour protéger les civils dans l’est de l’Ukraine, mais je crois que c’est une excuse car, en même temps, Moscou a clairement indiqué, à plusieurs reprises, qu’elle voulait que l’OTAN promette de ne pas s’étendre à d’autres pays d’Europe de l’Est qui bordent la Russie[3]. Pour le contexte, la Russie partage déjà une frontière avec cinq membres de l’OTAN. L’OTAN, en revanche, refuse les demandes de Moscou en vertu du fait que tous les pays ont le droit à l’autodétermination.

Dans cet esprit, je crois que les actions de Moscou au cours des dernières 48 heures visent à vérifier si la détermination de l’OTAN à protéger l’indépendance de l’Ukraine est aussi ferme que la détermination de Moscou à la mettre sous sa tutelle. Implicitement, les actions de Moscou indiquent également qu’elle est prête à ce que la population russe et les conglomérats internationaux russes subissent les contrecoups de sanctions internationales sévères, montrant ainsi que son gouvernement n’est pas contraint par l’opinion publique comme le sont les pays de l’OTAN. En fait, je crois que Moscou compte sur le fait que le public américain a peu d’appétit pour une autre campagne militaire étrangère car il a enfin compris à quel point il est coûteux et difficile d’aider les petits pays à maintenir leur indépendance vis-à-vis leurs voisins belligérants. L’Afghanistan, où les États-Unis n’ont pas réussi à établir un ordre politique ou une économie nationale fonctionnelle après deux décennies, n’est que le dernier exemple. Avant cela, il y eu la Corée du Sud (1948-50 – la Corée du Nord a envahi la Corée du Sud avec le soutien de la Chine et de l’Union soviétique) et le Vietnam (1955-75 – le Nord-Vietnam a envahi le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge avec le soutien de la Chine et de l’Union soviétique).

Pour résumer, je crois que Moscou a conclu que l’OTAN est peu disposée à s’engager dans une nouvelle guerre et que dans l’intrerim, tout ce que Moscou fait maximise les chances de maintenir Kiev sous son influence.

IMPLICATIONS DE LA STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT

Si la variante omicron ou la perspective d’une inflation galopante étaient insuffisantes, il semble que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait finalement fourni l’excuse pour plonger les marchés de capitaux dans une chute importante. À ce stade, les pertes enregistrées sur marchés boursiers mondiaux depuis le début de l’année s’approchent de 10% et les indicateurs de volatilité sont à nouveau à la hausse.

C’est le genre de scénario qui incite les investisseurs à remettre en question leur stratégie d’investissement. Cela étant dit, tout comme nous avons argumenté contre une réduction marquée de l’exposition aux actifs risqués lorsque les premiers cas de Covid-19 ont été révélés en dehors de la Chine sous prétexte qu’il était déjà trop tard, je crois que vendre maintenant, étant donné que tant de peur et d’incertitude sont escomptées, n’est pas la meilleure option. En même temps, je ne suggère pas d’acheter non plus. Après tout, bien que je ne pense pas que la situation en Ukraine se détériorera davantage, une attaque contre les gazoducs russes qui traversent l’Ukraine pour approvisionner l’Allemagne et d’autres parts d’Europe ne peut plus être exclue non plus. Je ne pense pas non plus que la Russie inspirera Beijing à envisager des options similaires pour Taïwan, mais c’est aussi une possibilité.

Je voudrais simplement souligner que même si nos modèles suggèrent toujours que les grands marchés boursiers continueront de s’apprécier de 5 % à 7 % par année en moyenne en termes nominaux dans notre scénario de base, cela ne signifie pas qu’ils s’apprécieront de 5 % à 7 % chaque année. On nous rappelle périodiquement, comme c’est le cas actuellement, que les marchés ne progressent pas de manière constante. Il y aura des années à la baisse et il y aura des années de hausses majeures. Comme nous l’avons mentionné à de nombreuses reprises, la clé est de s’assurer que la proportion du capital d’un investisseur qui est investie dans des actifs risqués est conforme à la tolérance au risque ou aux pertes de ce dernier.

À cet égard, je suis très à l’aise avec le positionnement que nous avons adopté pour nos clients. Par exemple, grâce aux gestionnaires que nous avons choisis, nous avons largement évité les obligations d’État à long terme qui s’avèrent très vulnérables aux hausses de taux d’intérêt. Nous avons également évité les segments les plus spéculatifs des marchés boursiers qui s’avèrent également vulnérables aux ajustements de la politique monétaire. Nous avons entièrement évité les saveurs populaires telles que les entreprises ayant récemment procéder à un premier appel public à l’épargne et n’avons jamais touché aux crypto-monnaies. Du côté des marchés privés, nous avons systématiquement refusé d’investir dans des entreprises de logiciels en démarrage sur des multiples jamais vus depuis la bulle technologique d’il y a 20 ans. Nous nous sommes plutôt concentré sur la mise en place d’un portefeuille de fonds de couverture dans lequel les fonds sous-jacents mise sur l’arbitrage de valeur relatives, une volatilité ou une dispersion plus élevée ou des stratégies suivant la tendance. Nous avons vu cela comme la meilleure stratégie pour éviter d’être pris au dépourvu dans le cas où les actions et les titres à revenu fixe déçus simultanément. Ensemble, ces petites actions ont contribué à améliorer la résilience des portefeuilles de nos clients.

En dépit des événements récents, je demeure optimiste quant à la perspective de pouvoir apprécier Dakha Brakha en concert à Montréal dans un rapproché.

Dimitri Douaire, M. Sc., CFA
Chef des placements

 

[1] Le titre est une paraphrase du film sur le thème de la Première Guerre mondiale “Tout calme sur le western front” basé sur le roman d’Erich Maria Remarque de 1929.

[2] Profil du recensement, Recensement de 2016 : Population d’origine ethnique, Statistique Canada, le 8 février 2017

[3] Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la zone tampon occidentale de la Russie a été réduite à la Biélorussie

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